15 avril 2025 - Le collectif IndieHosters
Certaines1 ont peut être déjà vu passer l’annonce, il y a quelques semaines avec Yaal, Le Bureau.coop et OpenSourcePolitics, nous avons lancé LaSuite.coop !!!
Dans cet article, plus que vous raconter pourquoi LaSuite.coop c’est génial (même si c’est aussi le cas) on préfère vous raconter l’histoire de cette coopération vue par IndieHosters. Pour en savoir plus sur les fonctionnalités et les contours de cette suite, on vous laisse jeter un œil au site de LaSuite.coop et à l’article d’OpenSourcePolitics.
Dans ces quelques lignes de blog, on vous en dit un peu plus sur cette initiative, et comment on en est arrivée là.

Petite histoire d’une aventure coopérative
Pour prendre le contre-pied des grandes histoires des self-made men des géants de la tech aujourd’hui, notre histoire de LaSuite.coop est bien plus modeste mais surtout, elle est collective. Cette aventure coopérative raconte pour nous un imaginaire qui nous attire bien plus et on l’espère vous aussi.
Vous nous connaissez sûrement (ou peut-être pas et dans ce cas bonjour et bienvenue !), cela fait maintenant quelques années que nous gravitons dans le milieu du libre. Quelques années que nous voyons des logiciels et projets se monter, être forkés, être réutilisés ailleurs… Quelques années aussi que nous voyons des personnes seules dans leur garage maintenir à bout de bras des logiciels, des librairies, des morceaux de codes parfois indispensables à tout un écosystème. Ou à l’inverse des plus grosses entreprises qui contribuent marginalement puis qui cloisonnent petit à petit ou récupèrent des communautés pour leurs propres intérêts financiers.
En naviguant dans cet écosystème, nous avons rencontré du monde et discuté à l’occasion de festivals et d’évènements avec d’autres actrices (souvent autour de bières). Nous avons parlé avec des personnes qui faisaient la même chose que nous ou légèrement différemment, parfois avec une technologie légèrement différente.
Au fil de ces rencontres, plus qu’une envie, la mutualisation nous apparaît comme une nécessité. En effet, nous constatons de plus en plus notre interdépendance avec ces autres actrices du libre. Leurs choix sur leur logiciel impactent les services que nous proposons et donc au final nos contributrices qui utilisent Liiibre. Nous ne sommes pas des éditrices de logiciels, notre métier c’est avant tout de les héberger pour les rendre accessibles à nos contributrices. Nous ne pouvons pas nous libérer du temps pour développer ou contribuer au développement de ces logiciels. C’est pourquoi nous nous attachons à choisir le plus possible des logiciels qui se basent sur des standards, des technologies utilisées par plusieurs personnes, ce qui les rendent plus facilement interchangeables si une application n’est plus disponible.
Nous essayons aussi le plus possible d’être au plus proche des développeuses des applications que nous hébergeons afin d’apporter des contributions quand on peut ou de donner nos avis sur des choix techniques, voire stratégiques.
Par exemple, chez IndieHosters, gérer l’envoie et la réception de mails n’est pas notre cœur de métier. C’est une expertise complexe qui prend du temps. Aujourd’hui, même si nous gérons déjà quelques mailbox pour nous et d’autres, ainsi que nos mailing liste, et que nous déléguons déjà l’envoie de mail à Privianet, notre service actuel n’est pas optimal et nous ne pouvons pas y consacrer plus de temps aujourd’hui. Pourtant, c’est un service que de nombreuses personnes nous demandent. Plutôt que d’essayer de nous former et de recréer quelque chose en interne alors qu’il existe déjà plusieurs personnes compétentes sur ce sujet, nous avons choisi de collaborer avec une entreprise et des personnes que nous connaissions déjà : Galae. C’est leur métier et leur expertise justement que de gérer l’hébergement de mails. Avec elles, nous pouvons relancer (et migrer) notre offre de mail, et grandement améliorer la qualité de ce service.
Au-delà de cet exemple, ce qui nous anime c’est de construire petit à petit des communs numériques fiables, résilients et libres dans ce milieu en constante évolution. Dans cette utopie, IndieHosters n’est qu’un maillon dans cette grande chaîne de production d’un commun numérique. Nous ne sommes que des hébergeuses (c’est amplement suffisant). Pour que des communs numériques émergent et fonctionnent, il est donc nécessaire de nous entourer des compétences des autres personnes qui développent et éditent des logiciels libres.
Cette logique de relations et d’interdépendance mature chez IndieHosters depuis quelques temps, elle s’affine en étant partagée avec d’autres puis se structure doucement au gré des rencontres humaines d’abord puis des savoir-faire et des compétences complémentaires ensuite.
C’est au fil de cette dynamique que nous en arrivons aujourd’hui à sortir LaSuite.coop ; une coopérative qui regroupe plusieurs personnes aux différentes compétences pour proposer une suite d’outils libres et démocratiques qui seront bientôt on l’espère des communs numériques. Aujourd’hui pour débuter, LaSuite.coop regroupe : Le Bureau.coop pour la gestion des noms de domaine, OpenSourcePolitics pour leur maîtrise de Decidim et leur connaissance des besoins des actrices publiques, Yaal pour leur compétences en développement et IndieHosters pour l’hébergement des applications.

LaSuite.coop n’est pas une suite d’outils
Ce qu’on porte ensemble avec LaSuite.coop ce n’est donc pas simplement une suite d’outils numériques (même si c’est aussi ça). LaSuite.coop est avant tout une ambition politique, celle d’un numérique commun, libre et démocratique, où les choix technologiques ne sont pas dictés par les intérêts des éditrices propriétaires et où les utilisatrices des applications peuvent influencer leur développement.
Pour ça il y a encore pas mal de travail et de processus à mettre en place. Nous n’en sommes qu’aux prémisses. Nous voulons remettre l’utilisatrice du logiciel au centre de la construction d’un commun numérique.
En effet, nous ne croyons pas au modèle actuel proposé par les GAFAMs qui est à l’opposé de cette logique. Aujourd’hui, leurs outils propriétaires sont développés de manière descendante dans une course aux fonctionnalités attractives pour captiver les utilisatrices. Leurs outils sont mis à disposition pour être des produits de consommation parmi d’autres, sans considération des personnes qui ont travaillé dessus ni de celles qui les utilisent. Ce modèle n’est pour nous ni souhaitable ni viable.
Avec LaSuite.coop on porte l’envie de dessiner un autre modèle où l’utilisatrice peut s’investir et porter de l’attention aux outils qu’elle utilise. Évidemment, notre objectif n’est pas d’imposer une corvée à ces utilisatrices, mais simplement de rendre visible et de faire prendre conscience de l’attention nécessaire aux outils numériques que nous utilisons, surtout quand il s’agit d’outils de travail ; par exemple considérer le travail d’entretien et de maintenance de ces outils, bien moins attractif que le développement de nouvelles fonctionnalités mais tout aussi nécessaire. Avec LaSuite.coop on aimerait que les utilisatrices puissent prendre le temps de s’intéresser aux outils qu’elles utilisent et de leur rendre leur capacité d’action sur leurs outils.

Une coopérative pour coopérer
Un autre aspect que nous n’avons pas encore abordé dans cet article c’est le “.coop” de LaSuite.coop. Nous souhaitons mettre les possibilités offertes par la structure coopérative au service de la coopération entre les différents maillons de la chaîne de production d’un commun numérique. En effet, LaSuite.coop a vocation à se structurer en SCIC très prochainement afin de permettre aux différentes parties prenantes de rejoindre cette SCIC et de posséder ensemble leurs outils numériques. Nous imaginons sans doute plusieurs collèges décisionnaires afin de donner un pouvoir de décision et d’action aux différentes personnes impliquées dans ces communs numériques, que ce soit les personnes qui utilisent les outils, celles qui les développent, celles qui les hébergent, celles qui forment d’autres personnes…
Autre exemple de cette ambition de mutualisation, LaSuite.coop s’inspire aussi d’une idée qui a pris forme en parallèle au sein la direction interministérielle du numérique (DINUM) baptisée la Suite Numérique. Une suite d’applications sélectionnées ou développées par la DINUM pour répondre aux besoins numériques des agentes publiques. Plusieurs applications sont ainsi communes entre ces deux projets et plusieurs personnes de LaSuite.coop contribuent et collaborent avec les équipes de la suite numérique.
Le milieu du libre tire sa force de part la diversité et la multiplicité de personnes qui développent des applications. Comme nous l’avons évoqué, cela implique de s’entourer et de coopérer pour créer une expérience cohérente qui couvre nos différents besoins numériques. Cependant pour des publics plus éloignés, à qui on a appris très tôt la logique centralisatrice des grandes entreprises propriétaires qui rêvent d’être l’entité unique qui fait tout, il n’est pas toujours simple de comprendre les différences entre toutes ces applications et briques logicielles (quelle différence entre un serveur et un client ? …). LaSuite.coop offre pour nous une interface possible à ce constat. À la fois pour permettre aux différentes parties prenantes de coopérer et de mutualiser leurs solutions. Mais aussi une porte d’entrée plus simple pour les personnes plus éloignées afin de commencer à comprendre l’étendue des implications de leurs besoins numériques. Et ensemble cette interface nous aide à construire petit à petit un numérique collectif et durable.

Un modèle de contribution au commun
Les ambitions portées par LaSuite.coop impliquent aussi de repenser notre modèle économique. Aujourd’hui on est bien obligée d’admettre que nous aussi nous utilisons les efforts et le temps d’autres personnes, d’autres développeuses, d’autres éditrices d’applications pour faire fonctionner IndieHosters, sans y contribuer à leur juste valeur.
Au cœur de LaSuite.coop, nous souhaitons donc mettre en place un modèle économique de soutien et de contribution aux communs. Ce que nous prévoyons actuellement c’est de réserver une partie des revenus générés par LaSuite.coop aux communautés qui développent et maintiennent les logiciels libres que nous utilisons. Pour nous, il est important de visibiliser cette répartition du budget, cette quote part réservée au développement comme les autres postes de rémunération. Plus encore, l’objectif du fonctionnement de LaSuite.coop est aussi de permettre aux différentes parties prenantes de participer et de décider du budget et de sa répartition. Au-delà des collèges décisionnaires évoqués plus haut, nous aimerions permettre aux utilisatrices de choisir et de prioriser les tâches et fonctionnalités à venir. Par exemple en fléchant une partie de leurs contributions pour financer le temps de développement sur les fonctionnalités qui les intéressent et ainsi mutualiser ce coût avec les autres personnes intéressées.
Cotisations, abonnement… Le modèle de LaSuite.coop n’est pas encore finement dessiné, il évoluera au fil du temps et avec les personnes qui nous rejoignent mais voici déjà un bref aperçu d’une direction vers où nous allons.
C’est un peu tout ça LaSuite.coop, une suite d’applications certes mais surtout un projet politique et avant tout des humaines qui veulent coopérer ensemble.
Si ce petit article vous a porté ou vous a donné envie d’en savoir plus, n’hésitez pas à aller faire un tour sur le site de la LaSuite.coop et à nous contacter !
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Dans un souci de facilité de lecture et d’inclusivité, dans cet article nous avons choisi d’employer l’accord féminin comme genre neutre. Cela ne contrebalance pas la quasi-totalité des autres articles où le masculin est le genre neutre mais c’est une (maigre) contribution pour plus d’inclusivité. Bonne lecture ! ↩